La dernière maison où Paul Lafargue habita est à deux rues de la mienne. C’est là que le 26 novembre 1911, "sain de corps et d’esprit" il se donna la mort, entraînant avec lui son épouse Laura qui n’était autre qu’une des filles de Karl Marx.
"Je me tue, écrit-il dans le mot qu’il laissa, avant que l’impitoyable vieillesse qui m’enlève un à un les plaisirs et les joies de l’existence et qui me dépouille de mes forces physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie et ne brise ma volonté et ne fasse de (...)
On parle. Et parfois viennent des paroles qui nous devancent. Ou comme si elles nous étaient tombées d’un livre. Quelqu’un dit : Tu as dit ça. Et on répond : Ah oui ? On peut même vérifier lorsque la conversation a été enregistrée. Ainsi de cet entretien que j’ai fait pour la chaîne KTO à propos de mon livre Une vie de quinze ans. L’intervieweur parlait des espérances déçues d’Ambroise, ce garçon mort d’un cancer à quinze ans dont le livre raconte les dernières années. Et ceci est venu. Péremptoire : (...)
Ce fut au tout début de l’écriture. Lorsque je compris qu’arrivé par hasard en banlieue parisienne (Essonne) et m’y étant installé par amour, mes enfants y étant nés, ce serait là sinon le tout du moins une grande partie de ma vie. Il y avait tout ce monde devant moi. Toute cette histoire aussi qui le parcourait plus ou moins souterrainement. Plus d’une fois je me mis à la tâche. Mais étrangement, jamais je ne parvins au terme. Comme si l’écriture qui m’était échue, la langue dans laquelle je pouvais (...)
Il y a même des jours où elle fait sa maligne.
où elle rappelle aux passants qu’elle est prête à toutes les fureurs
alors elle noie son bleu dans des verts de bouteille
elle brasse les galets d’un flot laiteux qu’elle semble avoir tiré de la mamelle de la terre
la vague qui s’étire jusqu’à l’horizon ne nourrit pas les corps elle fortifie néanmoins les rêves du passant qui redevient l’enfant (mais qui regarde l’autre ?)
L’enfant qui regardait la mer (suite) : séquences 21 à (...)
Il m’a semblé que le sillage de la lumière pascale et l’écho des rencontres d’après-mort que relatent les Écritures pendant cette période convenaient à la publication d’ Un chant d’amour.
C’est un texte que j’ai écrit dans ce mélange de crainte et d’espérance provoqué par les violences de la chimiothérapie que subissait mon amour.
Plus d’une fois Monique s’était attristée que je ne lui écrive plus de poèmes. Et moi, plutôt que de reconnaître ma difficulté à répondre à sa demande, les mots ne mordaient plus la (...)
Dans les odeurs de printemps de Pâques, c’est toute la danse fragile de nos espoirs de vie recréée, vie renouvelée, vie libérée des esclavages et du tombeau de mort. Merveille de nos rêves quand nous laissons l’enfant revenir à la surface de nos vies. Voir le monde toujours premier ! La terre et les hommes gros de toutes les promesses que les siècles, les déroutes, les désastres aussi, n’ont su faire disparaître.
Ici, c’est à destination d’enfants, le chaque jour des premiers jours du monde :
Aux (...)
Lorsque Michel Dubost, l’évêque d’Evry, m’a contacté parce qu’il était à la recherche d’un écrivain pour écrire un livre sur un jeune garçon qui venait de mourir d’un cancer à l’âge de quinze ans, je me suis d’abord dit qu’il ne manquait pas d’air ! Cela faisait un peu plus d’un an que Monique était morte et je naviguais à l’aveuglette dans ma propre vie. Je m’accrochais comme je pouvais à l’effort quotidien d’écrire et sa mort et notre histoire, et je ne voyais pas comment je pourrais répondre à une pareille (...)
Samedi 31 mars, dans le cadre du Salon du livre de la Haute Vallée de Chevreuse, j’anime une rencontre réunissant quelques uns des auteurs sélectionnés autour du thème de la gourmandise pour le prix Michel Tournier 2012. Il y aura Viviane Chocas pour Bazar Magyar (Le livre de poche), Maryline Desbiolles pour La seiche (Editions du Seuil), Béatrice Joyaud pour Plaisir en bouche (Gallimard)) et Sonia Terangle, traductrice du Livre de Rachel d’Esther David (Éditions Héloïse d’Ormesson).
Les (...)
Ce ne fut peut-être pas vraiment un 22 mars. La veille ? Le lendemain ? Peu importe. En décidant de cette date symbolique comme jour anniversaire du début de notre vie commune - ce jour-là, j’avais apporté chez Monique tous mes cartons de livres, ce qui valait au moins autant qu’un passage en mairie - nous voulions unir promesses de révolte et promesses d’amour. Pouvait-on mettre toute une vie sous les couleurs de Mai ? En tout cas, chaque année, nous saluions ce jour d’une fête, d’un bouquet, d’un (...)
Invité à la mi-février par le lycée Auguste-Renoir de Cagnes-sur-mer afin de rencontrer des classes qui avaient lu certains de mes livres, je n’ai pu m’empêcher, en fin de journée, de prolonger jusqu’à Nice. J’ai longé la côte aussi lentement que le permettait le trafic. Je me suis garé Quai des États-Unis juste devant l’emplacement de mon ancienne école devenu depuis longtemps terre-plein à parking, mais que domine la gigantesque sculpture de Bernar Venet censée faire mémoire du rattachement de Nice à la (...)
Mon goût de l’autre rive fut en ces jours là mis à vif. Je me mis à regarder encore plus intensément à la recherche de tout ce qui pouvait y flotter cette étendue de rumeurs et de vagues qui s’étendait entre le plus près de mes pieds et la rive d’outremonde. Me vint comme un espoir et une crainte aussi qu’à regarder ainsi vers le large je finirais peut-être par voir apparaître un de ces anges qui ont donné le nom à la baie. Mais de quelle espèce d’ange s’agissait-il ? De ceux que je voyais roses et bouffis (...)
Au mois de février 2011, alors que j’essayais pas à pas de remonter des ténèbres, deux ans déjà que le désastre avait eu lieu et pourtant c’était toujours hier, s’imposa la nécessité de renouer avec l’enfant que j’avais été, solitaire, bègue, survivant, et son dialogue avec la mer. La première page d’un cahier noir en porte les prémices.
Il y a un petit garçon qui m’attend au bord de la plage. Il passe des heures à regarder la mer. Il a les pieds qui s’enfoncent dans les galets à chaque coup de vague. Il a les (...)
Pendant quelques mois, au début des années quatre-vingt, j’ai cru être devenu haïtien.
Je travaillais alors avec Armand Gatti qui venait d’inaugurer à Toulouse son Atelier de Création Populaire, L’Archéoptéryx. Il avait décidé d’y mettre à l’honneur des "poètes assassinés".
Nous rentrions d’Irlande du Nord. Gatti y avait réalisé le film Nous étions tous des noms d’arbre avec de jeunes apprentis de Derry. Tournage scandé par la violence et la douleur des dix prisonniers républicains mort en grève de la faim. (...)
Mon enfance niçoise m’avait habitué à emprunter quotidiennement des chemins par lesquels étaient allés d’immenses artistes, j’avais devant les yeux les paysages qu’ils avaient vus, dans la contemplation desquels ils s’étaient arrêtés pour peindre ou méditer, si bien que marcher c’était toujours un peu comme aller de leur pas, et voir, s’immiscer dans l’acuité de leur regard. Je n’avais qu’à traverser la rue, et la plaque sur le mur disait que Nietzsche avait vécu là, quelques portes plus loin c’était Matisse. (...)
J’ai découvert Armand Gatti il y a quarante ans (!!!)sous le signe de Rosa Luxembourg.
A quelle point cette rencontre fut décisive de ma vie intellectuelle, professionnelle, et amoureuse - je ne cesse de m’en émerveiller. Faire l’énumération de tous les domaines qu’elle a ouvert relèverait de ces énumérations que l’on dit "à la Prévert" mais dont Gatti lui même est friand. Les pages Gatti de ce site essaieront chemin faisant d’en faire état.
Cette semaine, l’occasion m’est donnée de parler de Gatti par (...)
Peut-être se souvient-on qu’il avait fallu quelques larmes au coin de l’oeil de Bernadette Chirac lors de la projection d’Indigène, le film de Bouchareb, pour que, s’émouvant de la situation faite aux anciens combattants "indigènes" de l’armée française, on envisage de réajuster leurs pensions à hauteur de celles de leurs camarades de combat de nationalité française. Pourtant, de "décristalisation" en "décristalisation", peu de choses semblent avoir changé sinon qu’en cours de route beaucoup sont morts, ce (...)
On lit, on relit des livres, et ce sont comme des paysages qui d’un passage à l’autre auraient changé, saison différente, météorologie bouleversée, l’humeur aussi et l’état que l’on dit « intérieur », les préoccupations, les soucis. On s’étonne alors de découvrir de l’inconnu non pas seulement dans le détail, l’anecdotique, ce que l’on sait éphémère, mais dans ce que l’on croyait le plus assuré et de la matérialité des choses et du savoir que l’on en a. Ainsi du Tentateur de Hermann Broch que je viens de relire. (...)
Je voudrais réunir ici en rose des vents le disparate de mon travail, écartelant bien souvent quand les vents semblent contraires, contradiction des horizons qui plus d’une fois on mit fin aux compagnonnages éditoriaux, mais disparate qui est le lieu même d’une écriture qui n’en est que la tentative d’élucidation. Il y aura donc le plus souvent proposition de traverses, de liens internes, manière de passer sans transition d’un azimut à un autre. Chaque semaine je proposerai de nouvelles mises en (...)