Petits points cardinaux

Michel Séonnet

18 - Paul Lafargue (1)

La dernière maison où Paul Lafargue habita est à deux rues de la mienne. C’est là que le 26 novembre 1911, "sain de corps et d’esprit" il se donna la mort, entraînant avec lui son épouse Laura qui n’était autre qu’une des filles de Karl Marx.

"Je me tue, écrit-il dans le mot qu’il laissa, avant que l’impitoyable vieillesse qui m’enlève un à un les plaisirs et les joies de l’existence et qui me dépouille de mes forces physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie et ne brise ma volonté et ne fasse de moi une charge à moi-même et aux autres. Depuis des années je me suis promis de ne pas dépasser les 70 ans.... Je meurs avec la joie suprême d’avoir la certitude que dans un avenir proche la cause à laquelle je me suis donné depuis 45 ans triomphera. Vive le Communisme ! Vive le Socialisme international !"

Je ne sais plus comment je découvris tout cela. Je venais à peine d’arriver à Draveil. Mais rien dans la ville ne venait signaler que cet homme y avait vécu. A cette époque, le milieu des années 70, nous lisions assidûment Le droit à la paresse. Je me sentis requis par cette proximité. Comme une des portes d’entrée pour écrire cette banlieue où je venais de débarquer.

Je fis un certain nombre de recherches. J’ai toujours les fac-similés des numéros de L’Humanité de ces jours-là dont celui du 28 novembre 1911 titrant sur six colonnes à la une : Un deuil socialiste. En première colonne, un éditorial de Jaurès intitulé La destinée dans lequel le directeur du journal, nonobstant l’hommage, ne manque pas de souligner "le mélange émouvant d’idéalisme et de paradoxe" d’une telle mort. "Lafargue s’est trompé à coup sûr, écrit Jaurès, en croyant qu’il ne pouvait plus être utile."

A l’époque, je visitai longuement la très belle maison des Lafargue devenue propriété d’un mouvement humaniste. Je lus ce que je pouvais trouver. C’est ainsi que j’appris les visites que Lénine et Kroupskaia, sa compagne, faisaient au Vieux, le train de Paris à Vigneux-sur-Seine, puis le reste du voyage à bicyclette. L’un sur le point de mettre fin à ses jours, l’autre à l’orée de ce formidable tremblement de terre qui allait amener les communistes au pouvoir en Russie. J’écrivis cette visite.

vendredi 8 juin 2012

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