Suis-je seul à ne pas me payer de l’absence des mots
à dire que s’il n’y a pas de jusant de flux de reflux
si la mer à son plus haut ne gagne sur la rive que quelques longueurs de galet
elle fait néanmoins son travail de mer
elle appelle
ce matin elle écrit
des lignes calligraphiées à l’encre blanche sur fond bleu
des lignes qui défilent sans que j’ai le temps de les déchiffrer
une sorte de morse traits et points sens perdu
illisible elle appelle
et je viens
pas la peine de bouger d’où je (...)
Le soleil s’est levé sur une mer indistincte distante lassée de nos vies humaines
elle en a trop vu ces derniers jours de ces drames mis au compte de l’eau à la faute de l’eau à la violence cruelle et meurtrière de l’eau
la nature ! la nature !
dans les trombes chues à verse la mer a bien sûr reconnu la violence de l’élément dont elle est la mère
violence qui a fait naître le monde violence qui a creusé déplacé violence pour que la vie soit
mais dans le démentiel acharnement ?
lorsque la vie tue (...)
Certains matins il ne faudrait pas craindre de dire la splendeur du jour venu au devant de la mer
mais comment ?
par le souffle coupé court à simplement ouvrir les yeux ?
les mots qui ne viennent pas brisés onomatopées ?
le simple murmure à l’oreille de celle qui vous tient la main : Tu as vu ?
par le silence de la louange prière nue chant fredonné le corps tout entier vue cri écoute perdu dans ce qu’il voit ?
mais dire cela n’est pas partager la déchirante limpidité de cette mer tendue de ciel (...)
La mer est toujours plus haute que nous retenue on ne sait par quoi sur le fil de l’horizon
de la fenêtre on la voit qui nous observe on circule on l’oublie la trouée d’une avenue elle est là
jeu de cache cache
qu’attend-elle ?
on devine qu’il suffirait de peu pour que rompant ses amarres elle se glisse par les rues comme une foule aux jours de liesse
mais y croire ?
je vois bien qu’elle est plus haute que les toits je vois sa nonchalance de chat je vois sa puissance ramassée je vois ses (...)
Est-ce à force de se rouler de galets que la mer s’est perdue dans le gris du ciel ?
les nuages ont tiré le rideau sur le spectacle estival
désormais il faudra être plus attentif
F. m’a dit : Je n’aime pas entendre la mer souffrir nous avons fermé la fenêtre et fait tanière de notre lit
il faudrait pourtant aller jusqu’à elle
voir ce qu’elle devient quand nous avons le dos tourné
il y a tant de rumeurs de cris qui hantent les remous de cette mer des rencontres qui ricochent sur la surface lisse (...)
Faudra-t-il s’y faire à ces jours mal levés que l’on dirait barbouillés en grisaille par un peintre maladroit ?
à peine si la lumière vient mâtiner l’air figé de nostalgie plus que de présage
est-ce moi ou la mer qui a mal dormi ?
on dit : page blanche mais elle est grise la page d’où les mots se sont absentés
il faut reprendre l’effort
s’adonner à la vague ligne après ligne
retrouver le mouvant des galets
quand la mer se fige est-ce à nous de lui réapprendre le coup de rame la nage ?
le poème ne (...)
A force d’écrire fenêtre ouverte j’ai pris le bourdonnement de la ville pour le roulement de la mer
le chuintement de la pluie sous les roues des voitures pour le sillage d’un bateau
tout devenait mer
poussées de vagues jusqu’à la table mise pour accueillir les mots
mais maintenant qu’il faut fermer la fenêtre
les mots se cognent à la vitre comme des papillons de nuit
à la vitre ou à ma fatigue ?
je n’entends plus je ne vois plus
la lumière a beau jaillir et venir se planter comme un couteau sur (...)
Midi la mer a sorti tous ses verts qu’elle tisse d’écume blanche
le soleil s’y aveugle
elle s’est enfin débarrassée de ses baigneurs et tout à son aise roule la plage et les galets
oh ! s’y laisser pétrir se laisser ravager comme d’amour ne sachant plus qui prend qui est pris
non pas être mer non pas être pierre mais la friction
moulu
semence de soleil
pouvoir tout à la fois se laisser empoigner ne pas être emporté
marcheur sur le fil de l’eau tu voudrais dans le même souffle la verticale et la (...)
Naissance du soleil quête de la toison d’or patrie du Dieu lui-même
cette mer n’en a que pour l’Orient
à l’Est ! à l’Est !
tous obsédés de circonvolutions à la recherche de l’origine
à croire qu’il n’y a ici d’autres illuminations que celles des derviches tournant sempiternellement sur eux-mêmes
le poème lui-même se complaît aux retours inévitables de l’aube qu’il prend pour naissances
se targue de psychanalyse quand il fait paresseusement résonner mer et matrice
pourtant la mer elle-même parfois semble (...)
A trop s’approcher de la mer le danger est grand d’y brûler tout langage
de rester sidéré par tant de beauté au bord des lèvres
la stupéfaction fait naître le vide
le roulement des vagues lève les mots de la bouche
les tréfonds bleu lumière les engloutissent
la barque au ras des rochers n’est là que pour ponctuer le silence elle en indique le lieu
pas de parole en ce poème
la page ouverte trop près des flots se couvre vite de crachin bleu qu’un rien de soleil dessèche
la mer n’y a écrit que du (...)
J’ai encore ouvert la fenêtre à la caresse matinale du soleil
la mer au loin semblait si familière que c’en était presque inquiétant
peut-on s’habituer à sa présence
je sais bien des riverains qui ne la voient même plus lui tournent le dos vivent hors d’elle
le temps use le regard la paresse vient vite : la mer tournera bien sans moi
s’obliger à demeurer en présence de la mer
en être jour après jour l’obligé
venir y affûter notre fragile conscience
la mer exhausse qui la regarde
le plus solitaire (...)
Dans l’aveuglant soleil mourant aux portes des confins on la croirait calmée
unifiée d’un seul tendu de bleu qui s’étire en galets jusqu’au rivage
à peine grenelée
s’y accrochent les derniers filaments de lumière
on se dit qu’elle a rendu les armes
on s’approche pour profiter des miroitements auxquels elle s’abandonne
elle explose
sans crier gare
en grandes roues blanchies de lumière et de sel
elle parade gicle déborde conspue pigeons et passants
avant goût de tempête malgré l’air désœuvré (...)
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