Où que je passe Noël, je transporte avec moi nos rites de Provence. Et même si, désormais, je me retrouve un peu seul à la messe de minuit, je sais qu’au retour mes enfants auront mis sur la table les treize desserts et leur impiété ne les empêchera pas d’essayer de chanter avec moi Dindouleto ma mio. Je ne dirais pas que "Jésus est né en Provence" comme le chantait naguère Mireille Matthieu (désolé, mais là je ne mets pas le lien !), mais d’une certaine manière il naît pour moi en provençal. Ou encore - mais à y réfléchir, c’est sans doute ainsi de toutes les grandes fêtes : il fait renaître en moi le provençal.
D’où ce désir qui m’est venu de mettre en ligne au fil des semaines prochaines un texte intitulé Retour à la langue perdue que j’ai écrit il y a quelques années et dans lequel je m’essayais à dire les chemins imprévus par lesquels cette langue non apprise a traversé et traverse encore ma vie et mon travail.
M’y incite aussi le beau cadeau que m’a fait Isabelle Guignard, la téméraire propriétaire et animatrice de la Maison Alphonse Daudet à Draveil. Elle y accueille en résidence des conteurs de toutes sortes, majoritairement africains. A l’occasion d’une soirée consacrée aux contes d’Alphonse, elle avait demandé à Bertrand Nzoutani, conteur congolais, de dire La chèvre de monsieur Seguin (ce qu’il fit à merveille) et dans la foulée je lisais La cabro de moussu Seguin (c’est un des rares contes que Daudet traduisit lui même en provençal). Oh la joie de sentir cette langue rouler dans la bouche. En témoigne ce visage saisi en cours de lecture.
Autre effet de cette lecture : m’est venu que la chèvre de monsieur Seguin pouvait être un beau fil conducteur pour le travail que je fais en ce moment sur mon grand-père maternel - mais à la fin, lui, le loup ne l’a pas mangé. Je vous dirai un jour comment il s’en est sorti.
