C’était le début des années 80. A l’incitation de Gatti, je venais de publier mes deux premiers textes dans la collection Pierres Hérétiques, la structure éditoriale de l’Atelier de création populaire "L’Archéoptéryx" qu’il y dirigeait alors.
Il s’agissait de deux biographies de poètes.
Le Haïtien Jacques-Stepephen Alexis.
L’Irlandais Bobby Sands.
Tous les deux morts assassinés.
Fort de cette expérience, je me jugeai à même de pouvoir écrire, à propos de Gatti lui-même, cette fois, la somme qui manquait .
Ce furent des mois et des mois à rassembler bien des choses alors dispersées, des textes de pièces, des scenarii qui n’avaient jamais été publiés. Il aurait été trop simple de me couler dans la manière d’une étude classique. Je jugeai que ce serait enfermer l’œuvre de Gatti. Qu’il fallait trouver une forme à sa mesure. J’organisai alors des dispositifs multiformes à l’intérieur desquels intervenaient directement les personnages de ses pièces. Débats. Conflits. Coups d’état. Revirements. Une véritable empoignade ! Lorsque je fis lire à Gatti la première partie de l’ensemble (qui faisait déjà plusieurs centaines de pages), il eut ce mot : Peut-être, si j’étais Shakespeare... Je persistai néanmoins. D’autres centaines de pages suivirent. Je me décidai d’adresser la première partie à Denis Roche qui, saluant le défi que je m’étais lancé, m’offrit ce conseil : Jetez l’éponge ! Ce que je fis.
Mais tous ces mois de travail ne furent pas perdus.
Dans les mois qui suivirent, naquit le projet d’une exposition consacrée à Gatti. Ce serait 50 ans de théâtre vus par les trois chats d’Armand Gatti que je réalisai avec Stéphane Gatti. D’abord à Montreuil. Puis au Festival d’Avignon à l’été 1987.
Quelques années plus tard, en 1991, n’ayant plus ni commande, ni revenu, je m’étais fait embaucher dans un IMP comme "standardiste - garde barrière " ( mais oui !). Dans ma guérite il y avait juste assez de place pour ouvrir le cahier dans lequel je notais jour après jour l’irrémédiable marche vers la guerre en Irak...
J’en fus tiré par une demande urgentissime des Éditions Verdier. Ils avaient entrepris de publier les Œuvres théâtrales de Gatti. Trois volumes sur papier bible. Une quarantaine de pièces. Plus de 4000 pages. Ils avaient demandé à une journaliste en vue de rédiger l’introduction générale et la présentation de chaque pièce. Mais force avait été de constater que le travail de la dame n’était pas à la hauteur. Les délais étaient courts. Ils n’avaient pas vraiment le choix. Ils se tournèrent vers moi.
Je quittai ma guérite et me mis à la tache. L’introduction fut livrée. Puis les quarante et quelques textes de présentation des pièces.
Un peu plus tard, dans la foulée en quelque sorte, Verdier publierait mon premier roman.
Aujourd’hui les trois volumes des Œuvres théâtrales d’Armand Gatti ne sont plus disponibles. C’est pourquoi je donne ici le texte de l’introduction : Malgré tout la terre vaincue donne les étoiles - titre qui, à le relire avec le recul, pourrait être aussi celui de mon aventure d’écriture avec l’œuvre de Gatti.