De ces femmes des cités populaires, et particulièrement quand elles sont musulmanes, voilées, on se complaît à dire que leur tenue est la manifestation de leur oppression, que leurs vies sont dépourvus de pensée, de courage.
Ce mardi 17 janvier, au quartier de L’Ariane, à Nice, elles étaient tout un groupe devant qui j’ai déployé des reproductions du tableau de Delacroix Le 28 julllet : La liberté guidant le peuple. Elle n’en ont été ni surprises ni effrayées. Elles ont fait corps avec cette femme.
De ce qui a été dit, partagé, arraché au silence, est né ce texte.
La liberté ? Nous on dit qu’elle a gagné
La liberté est une femme
elle a la force
le courage
la confiance
La femme est sortie
pour dire la liberté
après un long voyage de batailles
Son visage crie avec la liberté
c’est le visage de quelqu’un qui a beaucoup souffert avant
C’est la fin de la peur
on va changer
on va commencer une autre vie
Elle ne veut plus avoir encore peur
elle est à moitié nue
c’est le symbole de sa liberté
Ceux qui la suivent ont subi la pression de la vie
ils ont patienté
ils ont explosé
ils n’ont pas peur de manifester
ils n’ont pas peur de mourir
plus besoin de barricades
ils marchent sur les barricades
pour faire face à la répression
Ils crient :
Un travail !
Ils crient :
Une autre vie !
Ils crient :
Droit de parler !
Droit de juger !
Droit de communiquer librement !
Le drapeau bleu-blanc-rouge crie contre la peur.
Ça suffit !
On est arrivé à la fin !
Ils veulent obtenir tout ce qu’ils veulent
quel qu’en soit le prix
Ils sont fiers de la femme qui les entraîne
ils la regardent, admiratifs
Et elle leur dit :
Suivez-moi, on va changer la vie.
Elle marche sur les ruines.
La liberté, c’est un oiseau qui s’envole
un aigle, un paon
qui déploie ses plumes
avec toutes les couleurs de la liberté
La liberté c’est un oiseau qui chante au lever du jour
le matin de bonne heure
au début du printemps
La liberté c’est une fête
une musique
c’est la beauté
La liberté c’est un petit air tout doux, tout frais
qui caresse le visage
quand il fait chaud l’été
La liberté c’est l’odeur des fleurs qui entre dans la maison sans permission
sans sonner, sans toquer
l’odeur entre par le nez
elle rafraîchit le cœur et le corps
elle apporte la joie
le bien-être, le bonheur
le changement d’esprit
La bonne odeur des fleurs
change les idées
donne la vie
augmente le moral
la force, le courage
que l’on soit malade ou en bonne santé
que l’on soit triste ou que l’on soit bien
on ouvre la fenêtre
on ouvre le cœur
on espère passer une bonne journée
C’est comme quelqu’un qui se serait évanoui
on lui verse de l’eau dessus
il revit.
La liberté, aujourd’hui
c’est la paix des personnes
la confiance
la richesse
la tranquillité
l’égalité
La liberté on l’a
on peut parler
Si on travaille, on se sent libre
le milieu du travail, c’est la liberté
on n’est plus obligé de faire ce que veux le directeur
les yeux fermés
La liberté des femmes
c’est avec la responsabilité
la confiance
chacun fait comme il veut
sans avoir besoin de rendre compte
aux parents, au mari, aux professeurs, à la famille
même si on vit encore avec beaucoup de barrières
beaucoup de règlements
Ici, en France, il n’y a pas quelqu’un qui nous dit toujours
il faut faire ci, il faut faire ça
on s’encourage à faire des choses
à aller aux associations
à apprendre le français
à sortir
On veut changer la vie
on se sent libre
Pour qu’il y ait la liberté
il faut s’exprimer avec connaissance
être armé pour se défendre
armé d’un savoir
armé d’un métier
armé avec les études
il faut l’arme de l’intelligence
de l’éducation
de la maturité
la compréhension des idées des autres personnes
La liberté ?
nous on dit qu’elle a gagné
Ils ne sont pas morts en vain
ceux qui ont permis la liberté des autres.