-
C’est un bien beau jardin. D’ailleurs, c’est à peu près cela que la jeune femme à la robe claire, presque blanche, est en train de dire à celle qui l’accompagne. "Oui, c’est un bien beau jardin que vous avez là". Et l’autre sourit. D’un sourire plein de douceur qui dévoile une à une les rides qui serpentent sur son visage. "Vous devriez venir plus souvent". Mais elle sait aussitôt qu’elle a eu tort de dire cela. La jeune femme a bien autre chose à faire que de rendre visite à une vieille (…)
-
A dix heures, le matin, ils étaient déjà plusieurs centaines à attendre sur la place, devant le café Ranque, là où la semaine précédente deux de leurs camarades avaient été tués et dix autres blessés par les gendarmes. L’appel à manifester était paru dans Le Réveil social. La Fédération des carriers et chaufourniers de la vallée s’était chargée de battre le rappel. Ils espéraient bien que cette fois leur nombre leur donnerait gain de cause. Depuis plus d’un mois le travail était arrêté. Ils (…)
-
Finalement, la tempête a eu du bon. Quelque chose est tombé (haie ? rideau ? rempart ?), un voile devant les yeux, ou des écailles, un mirage de feuilles et de branches qui scintillaient en ombres vertes et grises au moindre souffle de vent, et dans lesquelles, certains jours de mai, tout un peuplement d’oiseaux se livraient, de batailles et d’amours, à des danses sautillantes, les têtes noires et blanches, les queues grises ou presque bleues, comme autant de feuilles supplémentaires dansant (…)
-
(En ce temps-là, un delacroix c’était 100 francs)
On ne sait jamais où cela conduit cette part infime du ciel qui tout à coup se détache et se dépose entre vos mains. On dit hasard. On dit ange. On ne sait pas ce qu’on dit. On voit une forme étrange au bord de la route, quelque chose comme une détresse, il pleut, il fait froid, la nuit est déjà là, un instant vous est donné. Et sans l’avoir vraiment décidé, simplement à répondre, là, à la traversée de cette forêt, vous arrêtez votre (…)