Petits points cardinaux

Michel Séonnet

La chambre obscure

La chambre obscure

Serge Sanchez

Magazine littéraire, novembre 2001

Qu’est donc cette chambre obscure qui donne son titre au roman de Michel Séonnet ? Celle où s’élabora ce livre étrange, dans lequel l’auteur tente de capter des éclaircissements sur
sa propre histoire ? Celle de la mémoire, où le passé, lentement, se décompose ? Celle enfin, de l’hôpital où, durant 1 ’hiver 1954, un enfant hésite entre vivre et mourir ?

A plus de quarante ans, un homme a le pouvoir de remonter dans le passé, obsédé par cette
question : l’enfant a-t-il survécu oui ou non ? Cet enfant, on le devine, c’est lui-même. Revenu à Nice, ville de sa naissance, il marche jusqu’à la loge du bâtiment de l’Administration, Où son grand-père était concierge. Rien n’a changé. Il est tentant de frapper à la porte ... « Finalement, je frappai vraiment, écrit Michel Séonnet. Plusieurs coups. Comme si vraiment je voulais que l’on ouvre. La porte vibra un peu sous l’impact et l’impossible eut lieu. Le grand-père est toujours là, en effet, identique à lui-même. Il servira de guide à son petit-fils. Il lui fera revivre les jours d’anxiété durant lesquels il consacra ses forces à dissiper la pénombre autour d’un enfant incapable de choisir entre lumière et obscurité.

Ce roman - qui semble faire si largement appel à des souvenirs personnels - repose tout entier sur l’émotion et le style. On se promène dans une ville à la fois réelle
et onirique : sur les hauteurs de Nice, le grand-père rencontre Matisse, vieux maître dompteur de lumière ; au marché aux fleurs, le mimosa est odorant ; la mer qui déferle sur la Promenade offre au travail de la mémoire une métaphore riche et poétique, avec ses vagues qui se succèdent et ses gouffres vertigineux.

Michel Séonnet a inventé là un genre bien à lui, à mi-chemin entre l’autobiographie fantastique et l’ex-voto littéraire. Mais au fait, l’enfant que nous fûmes a-t-il réelle-
ment survécu aux promesses de l’aube ? Et cette chambre obscure, n’est-elle pas tout simplement la conscience de l’homme, dans sa perpétuelle quête de lumière ?

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