Petits points cardinaux

Michel Séonnet

Jean-Pierre Léonardini - Armand Gatti, voleur de feu

Dans les parutions qui accompagnent la célébration du centenaire d’Armand Gatti (1924-2017) il faut désormais prendre en compte le livre de Michel Séonnet. Sous le titre Gatti, l’in-venteur, celui qui fut compagnon de route, ami, voire disciple, analyse avec une lucidité fervente les composantes multiples de l’oeuvre, littéralement grandiose, du fils de l’éboueur Auguste G. N’hésite-t-on pas encore à en prendre l’exacte mesure ? C’est un ensemble de textes composés sur le chemin de Gatti, assortis d’inédits et parsemés de citations de l’homme toujours vêtu de noir, que Michel Séonnet découvrait en 1972, à l’âge de 17 ans, au Festival d’Avignon, lors d’une lecture au Théâtre Ouvert de Lucien Attoun. Michel Séonnet rappelle que, tout jeune homme, Dante Sauveur Gatti avait tenté de marcher sur les eaux en récitant des poèmes...


De paraboles lumineuses en métaphores éclairantes, l’auteur met au jour les racines du théâtre, résolument autre, conçu par Gatti refusant le regard du spectateur consommateur, pour privilégier, à point nommé, l’action libératrice d’êtres en marge sociale (ses "loulous") tirés vers le haut. Un théâtre vertical, en somme, échafaudé sur une pensée inouïe, fondée sur les infinies possibilités du langage. Parole errante, en effet, où l’on médite sur l’alphabet, depuis les idéogrammes chinois, ou la critique des mots de l’Occident par un indien du Guatemala. Il y aura, enfin, la découverte de la physique quantique, sur les pas du mathématicien résistant André Cavaillès.


Poète, écrivain et cinéaste globe-trotteur, Gatti n’a cessé de glorifier des figures universelles de la résistance, ce au nom du père, homme de peine partisan de la sociale. La liste est longue de ce martyrologe qui confine à la résurrection délibérée dans l’espace d’un théâtre où l’infini est une région, il faut s’y diriger. C’est ainsi que le prodigieux théâtre choral de Gatti, dans l’élan et la tension d’un mémorial tragique au souffle libertaire, débouche enfin sur l’utopie, du côté du principe espérance cher au philosophe Ernst Bloch.


Avec Gatti, l’in-venteur, Michel Séonnet ouvre en grand les portes de la compréhension du monde complexe de Gatti, si riche du profond lyrisme né de son expérience des luttes dans le siècle qui fut le sien. Gatti n’a-t-il pas été un rhapsode prométhéen ? Un poète-philosophe animiste, viré dans son enfance du petit séminaire ? Olivier Neveux, dans sa préface, L’allégresse du messager, salue à juste titre le travail d’écrivain de Michel Séonnet.

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