Nous n’en avons pas fini avec David.
Non seulement parce que l’histoire du petit berger devenu roi a tout d’une tragédie antique - amours, meurtres, vengeances, trahisons... Mais parce que le règne de David va fonder jusqu’à aujourd’hui la manière de lier le politique au religieux, de les enchaîner bien souvent.
Depuis Charlemagne, toutes les formes de royautés européennes se sont voulues, par l’onction reçue de Dieu, à l’image de David.
De même dans le monde arabo-musulman où les Califes (jusqu’au califat aujourd’hui autoproclamé de Daech) sont tous en succession de David - « nous l’avons fait Calife », dit le Coran.
A travers ces péripéties de puissance et de sang, c’est toute la question des relations entre la religion et la puissance politique qui s’expose. Question redevenue d’une violente actualité.
Mais ce en quoi David nous importe encore plus, c’est qu’au cœur même de l’effervescence de ces relations tendues entre pouvoir et religion il va faire naître un des sommets de la poésie universelle : les psaumes.
S’approcher de David, c’est convoquer ce tumulte où le chant émerge du chaos.
Aux derniers jours de sa vie, abandonné de tous, David n’a plus à ses côtés qu’une jeune vierge qu’on lui apporte pour le réchauffer et éveiller ce qu’il lui reste de virilité. Faute de devenir son amante, elle va devenir sa confidente et réveiller en lui les déchirements d’une vie prise entre ces deux formes du combat. Intérieur et extérieur. Mystique et guerrier. Poétique et politique.
Les soixante-douze séquences de ce roman correspondent aux soixante-douze premiers chants du Livre des Psaumes. Ils en constituent les deux premiers livres. Ils sont traditionnellement reconnus comme ayant été écrits par David, ou du moins par son entourage. Un grand nombre de ces chants porte le nom de David dès le premier verset. D’autres sont anonymes que l’on a pu attribuer ici à tel ou tel des protagonistes de son histoire. Les versets introduits en italique dans le texte sont donnés dans la traduction de Henri Meschonic. Publiée sous le titre de Gloires (DDB, 2001), elle était pour lui mise en œuvre du « paradoxe d’une poétique du divin : débondieuser ». Nous avons essayé de nous y tenir.
Contre-point de Jean-Pierre Siméon