Petits points cardinaux

Michel Séonnet

Aux commencements

1

Il y eut un jour dans les temps et les temps
alors que les humains ne savaient pas encore
qu’ils étaient des humains

tout était encore obscur dans leur tête
et dans leur cœur

ils partageaient la vie des bêtes féroces

la nuit leur faisait peur

il y eut un jour où l’un de ces humains
(était-ce un homme ? était-ce une femme ?)

ramassa une boule de feu
tombée sur la terre
et s’en fit une lumière
pour éclairer l’obscurité

et il dit :
Comme cela est bon !

2

Il y eut un autre jour dans les temps et les temps
où un autre parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
regarda tout au bout de la mer
là où la mer commence à être la mer

il regarda tout au bout du ciel
là où le ciel commence à être le ciel

il regarda comment la mer et le ciel
se séparaient comme les deux bras du corps
pour être l’un aux pieds des humains
et l’autre par dessus leur tête

et il dit :
Comme cela est bon !

3

Il y eut encore un jour dans les temps et les temps
où un humain parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
s’assit au bord de la mer

il vit avec quel bonheur
la mer venait caresser le bord de la terre
avec quelle rage elle venait
creuser des plages
où déposer ses galets

alors il se mit debout
un pied dans la mer
un pied sur la terre

et il dit :
Comme cela est bon !

4

Ce même jour dans les temps et les temps
un autre humain parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
s’arrêta au pied d’un arbre

il regarda son tronc puissant
dont il ne parvenait même pas
à faire le tour avec ses deux bras

il regarda ses branches qui dansaient
dans la lumière du vent
ses feuilles qui brillaient
à la rosée du matin

il regarda les fruits
il regarda les fleurs
il regarda l’herbe si verte

et il dit :
Comme cela est bon !

5

Il y eut un quatrième jour dans les temps et les temps
où un humain parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
leva les yeux et regarda le ciel

il regarda la danse aux mille couleurs
qui naissait au ventre éblouissant du soleil

il regarda la douce lueur en forme de lune
et le manteau d’étoiles qui lui faisait cortège

il salua la nuit qui est faite pour le sommeil et les rêves
il salua le jour qui est fait pour chasser et construire

et il dit :
Comme cela est bon !

6

Il y eut un cinquième jour dans les temps et les temps
où un humain parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
regarda la vie qui peuplait le ciel

il regarda avec bonheur les plumes de l’oiseau-chanteur

il regarda les virevoltes de l’oiseau-crieur

il regarda les gros et les petits oiseaux
ceux qui font peur et ceux qui réjouissent la vue

et il dit :
Comme cela est bon !

Un autre humain, ce jour là
(était-ce un homme ? était-ce une femme ?)
regarda la vie qui peuplait les eaux

il regarda le poisson-filant qui glissait dans l’eau transparente

il regarda les écailles dansantes du poisson-à-grosses-joues

il regarda les poissons dont les dents font peur
et ceux dont la vivacité donne envie danser

et il dit :
Comme cela est bon !

7

Dans les temps et les temps il y eut un sixième jour
où un humain parmi les humains
(était-ce un homme était-ce une femme ?)
regarda les animaux qui lui étaient si proches

il regarda les taches de soleil sur le poil des bêtes fauves

il regarda les yeux si doux des animaux de compagnie

il regarda les minuscules insectes
et les mammifères géants
il regarda les singes qui lui ressemblaient tant

et il dit :
Comme cela est bon !

alors il regarda les humains qui étaient autour de lui
et il vit que les autres humains le regardait aussi

il y avait des hommes
il y avait des femmes
il y en avait des petits et des grands
des costauds et des fragiles
il y avait des jeunes et des vieux

et tous se regardant s’émerveillaient
se disant les uns aux autres :
Comme cela est bon !

7

Il y eut dans les temps et les temps un septième jour
à marquer au grand livre des êtres humains

Ce fut le jour où il y eut un humain
(était-ce un homme ? était-ce une femme ?)
qui à force de regarder un autre humain
s’approcha de lui et lui dit :
Je t’aime !

Alors il y eut dans les yeux de l’humain
(était-ce un homme ? était-ce une femme ?)
une lumière
aussi éblouissante que celle du soleil
aussi dansante que la mer
aussi vibrante que les feuilles et les fleurs
le plumage des oiseaux
les écailles des poissons
une lumière qui semblait si fragile
et qui pourtant avait autant de force
que les grands animaux marins

Comme c’est bon ! dit l’humain
Comme c’est bon ! répondit l’autre humain.

C’est à ce moment-là qu’ils reconnurent cette lumière
qu’ils avaient vue dans le ciel
et qui maintenant était en eux

C’est la lumière de Dieu, dit l’humain
C’est Dieu lui-même, dit l’autre humain

Ils remercièrent Dieu que tout cela soit si bon.

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