La réponse avait été bien plus rapide qu’attendu : Monsieur, Vous pourrez trouver au nom de votre grand père, dans les matrices cadastrales de la commune, la liste des propriétés qu’il possédait. En consultant le plan napoléonien, vous pourrez visualiser l’emplacement des parcelles. Les matrices et les plans sont consultables gratuitement sur Internet. Vous avez aussi accès à une aide en ligne. Par contre si vous désirez obtenir les actes notariés, il faut faire une recherche hypothécaire avant 1956. Sur notre site, vous avez accès au tables et répertoire des hypothèques afin de trouver les références qui nous permettront de vous fournir le relevé de formalités au nom de votre grand père. Une fois les références trouvées, veuillez nous envoyer le formulaires téléchargeable en ligne sur cette même page avec un chèque de 15 €. Vous recevrez le relevé de formalités. Espérant avoir répondu à votre demande, Cordialement, B. J. Responsable du département des Publics et de la Valorisation, Archives départementales du Var, 157, avenue Alphonse Daudet B.P. 277 83007 Draguignan cedex - si bien qu’en quelques clics je pus faire défiler sur l’écran des pages et des pages de registres tenues à l’encre noire de cette écriture toute de pleins et de déliés qui étaient autrefois la marque et la fierté des administrations nationales, l’ordre alphabétique aidant je finissais par y retrouver les pages consacrées aux propriété de mon grand-père et de de son père avant lui, noms, surfaces, dates d’achat et de vente, numéros des parcelles qui me permirent alors de les repérer sur ce fameux plan napoléonien, copie scannée de l’original dont le papier jauni devenu presque ocre, les belles cursives rouges avec pleins et déliés, les formes irrégulières des parcelles griffées de numéros difficilement lisibles, faisaient penser à d’antiques grimoires d’un monde disparu, la numérisation n’y pouvait rien, les techniques, l’électronique, la facilité déconcertante de l’internet n’étaient qu’un leurre, tout cela désormais ne relevait plus que du domaine périmé des archives et des musées, un monde sans écho avec le réel sinon peut-être - et c’est ce qui me poussa à continuer - les mouvements
gracieux des rivières qui rehaussaient le jauni des plans d’un bleu presque transparent et où je retrouvais les noms de rivières enchanteurs des parties de pêche et des baignades de mon enfance : Biançon, Siagne, Camiolle, je voulais bien oublier ne serait-ce qu’un instant que l’essentiel de leur parcours, depuis (depuis l’antique temps de ce plan napoléonien, mais aussi bien depuis le temps d’hier de cette enfance), avait été englouti sous les masses d’eau d’un barrage hydroélectrique, ces noms que ma mémoire rattachait sans difficulté à des lieux, des images, des odeurs et des sons, semblaient néanmoins vouloir me laisser entendre que je pourrais, à les écrire, donner corps, et vie, senteurs de pierre, de terre, de travail et de végétation à ces noms de lieux-dits et de propriétés, inscrits en rouge sur le plan, que je n’avais jamais entendus autrement que prononcés à voix basse - Friaoud, Le Laquet, Camp-Long, Gaudon, Serre-Long, La Gachette, Fondurane,.... - ou sinon, quelques fois, jetés à charge sur la table tellement il était lourd d’avoir perdu ces terres, qu’elles ne soient plus les nôtres, tout cela grand-père l’avait dilapidé, c’était du moins ce que l’on m’avait toujours dit, terres vendues les unes après les autres après qu’il eut dû fuir à la ville, ruiné ou presque, propriétaire-négociant réduit à l’état de concierge autant dire larbin.