Mer grise
perdue dans les nuages
les oiseaux ne vont pas loin
où sont passés les bateaux ?
un sillage, pourtant, pâle
comme le ciel
l’impression
qu’il entre par la fenêtre d’un immeuble
au grand dôme noir
que va-t-il y trouver ?
des trouées bleues
dans le ciel
ramènent peu à peu la mer
vers son état natal
mais il y a encore loin
est-ce que les courants
vont porter jusqu’ici
les noyés des frontières ?
au bas de l’immeuble
la balayeuse municipale
effectue sa rotation matinale
le long des trottoirs
pour l’instant la mer n’est pas
montée jusque là
seulement les détritus
crottes de chiens
bouteilles vides
égarées de la marée urbaine
ceux-là au moins ne finiront pas
dans la mer
à Beyrouth
envahie par les ordures
la puanteur a dévoilé
au nez de tous
que les véritables ordures
se partagent le pouvoir
« Tala’at Rihatkum », scande la foule « Vous puez ! »
la rue est à eux
disputée aux ordures
« Prenez la rue, pour vous, pour vos enfants, pour votre pays »
ici le ronron de la balayeuse
endort
bien des velléités
aller en découdre ?
le soleil lascif
et caressant
a fini par tout endormir
bientôt il n’y aura plus
qu’à se mettre à l’ombre
et reprendre nos affaires
il est déjà bien tard