La mer s’est levée
par dessus les toits
pour ne pas qu’on l’oublie
ce serait si facile
tourner le dos
fermer les yeux
les oreilles obstruées
par la rumeur automobile
ne plus écrire
lassé de la voir
faire sa timide
le soleil
a pris la mer
par la main
et l’a poussée
au devant de la scène
le concert va commencer
toute la ville dans la fosse d’orchestre
mais qui va conduire la musique ?
le soleil ?
l’air transparent au vent ?
ou les mots
qui affûtent le regard
à sa présence ?
ne pas savoir
n’est pas ignorance
une lettre après l’autre
les doigts applaudissent
sur le clavier
ils voudraient
que l’insaisissable diva
qui s’étire dans ses tulles
leur accorde
une fois encore
un instant
le temps d’un poème
sur la pointe des toits
ils marcheraient vers elle
et viendraient jeter à ses pieds d’écume
un bouquet de ces œillets barbus
Dianthus barbatus
que l’on dit
œillets de poète
(pourquoi ?)
il paraît qu’on ne jette des fleurs à la mer
qu’en mémoire des noyés
les mots s’en moquent
aujourd’hui
les oraisons funèbres
ne sont plus de leur ressort
trop veillé
trop pleuré
supplié
en vain
« que cent mots
fleurissent
sur le chaos
de nos incertitudes »
disent-ils
la mer les a-t-elle entendus ?