En aval de ma fenêtre
une cheminée d’aération
redistribue l’éclat
du soleil levant
en une sorte de morse
à qui s’adressent ces signaux lumineux ?
au bateau
peint
sur la crête d’horizon
du même bleu
que la mer ?
on dirait un tableau
de Nicolas de Staël
de quoi les signaux
veulent-ils
le mettre en garde ?
le navire bascule
de l’autre côté
sans répondre
comme de Staël
du haut du mur
solitude du bateau
solitude de la cheminée
solitude de la mer
solitude du peintre
solitude de celui qui écrit
à l’abri de sa fenêtre
comme ces barques
de pécheurs
qui rentrent
après avoir levé
les filets
les mots
se rêvent passages
d’une solitude l’autre
mais il y a tellement de bruits
est-ce qu’on entendrait mieux
si je criais ?
forcer la voix
n’est pas parler
la mer
est un continent
de silence offert
en contre poids
aux hurlements
du monde
quand le hurlement vient à elle
elle l’engloutit
elle engloutit ce qui distrait
mer et désert c’est pareil
le mystère et la soif
parfois
sous le poids
accablant
de ce qu’elle a
englouti
la mer sombre au fond
d’elle-même
elle disparaît
entraîne
vers les fonds
celui qui lui a confié
son regard
alors les mots
jouent
les échelles
de secours
sortir de là
échapper à
difficile de revenir
à flot
ô mer
pourquoi nous as tu abandonnés ?
mais la mer
n’a pas d’autres recours
que nous
elle attend aube meilleure
« qu’il vienne qu’il vienne
le temps dont on s’éprenne »