La mer s’est assoupie
ou bien a prolongé
son rêve
elle a poussé jusqu’au trottoir
du boulevard un ours
en peluche presque roux
usé
au bras duquel
un enfant rom
est accroché
ils dansent
jonglent
ours ballon
tant pis pour les coups de pied
la mère
à côté tend la main
et crie
l’enfant et l’ours
n’en ont cure
plus tard quand
je repasserai
la mer aura emportée
l’enfant
et laissé le nounours
pourquoi ?
une passante
vient ramasser la peluche
et l’a hisse
sur le totem
d’un parcmètre
a-t-elle peur que la mer
ne le remporte à son tour ?
mais la vague elle-même
ne sait pas
les rythmes
les humeurs
de ses passages
sur les tables en terrasse
d’une brasserie
les galets ramassés
du dernier coup de mer
gisent
peinturlurés
numérotés
jetons d’un tour
de rôle
à table !
dans les cageots du marché
un vieux
tripote quelques
restes
à table !
je rentre
la mer est toujours là
à la fenêtre
difficile de lui échapper
je me demande ce qu’elle est train
de maugréer sur mon compte
que je perds mon temps ?
qu’à pareille distance
je ne saurai jamais rien d’elle ?
est-ce une invite
à aller se rouler
dans la vague
chamarrée de galets ?
« Elle doit être fatiguée à la fin »
m’a dit l’enfant
petite fille
à qui je donne la main
« quand se repose-t-elle ? »
je suppose que
comme les martinets
elle se laisse porter
la nuit
à des hauteurs
où un seul coup d’aile
suffit à porter le sommeil
mais que vienne
la sourde rumeur
d’un cauchemar
et le ciel la précipite
la remet à sa place
en tempête
la mer a des réveils
d’ours mal léché