Petits points cardinaux

Michel Séonnet

5 septembre

La mer s’est levée
par dessus les toits

pour ne pas qu’on l’oublie

ce serait si facile

tourner le dos
fermer les yeux
les oreilles obstruées
par la rumeur automobile

ne plus écrire

lassé de la voir
faire sa timide
le soleil
a pris la mer
par la main
et l’a poussée
au devant de la scène

le concert va commencer

toute la ville dans la fosse d’orchestre

mais qui va conduire la musique ?

le soleil ?
l’air transparent au vent ?
ou les mots
qui affûtent le regard
à sa présence ?

ne pas savoir
n’est pas ignorance

une lettre après l’autre
les doigts applaudissent
sur le clavier

ils voudraient
que l’insaisissable diva
qui s’étire dans ses tulles
leur accorde
une fois encore
un instant

le temps d’un poème

sur la pointe des toits
ils marcheraient vers elle
et viendraient jeter à ses pieds d’écume
un bouquet de ces œillets barbus
Dianthus barbatus
que l’on dit
œillets de poète
(pourquoi ?)

il paraît qu’on ne jette des fleurs à la mer
qu’en mémoire des noyés

les mots s’en moquent

aujourd’hui
les oraisons funèbres
ne sont plus de leur ressort

trop veillé
trop pleuré
supplié

en vain

« que cent mots
fleurissent
sur le chaos
de nos incertitudes »
disent-ils

la mer les a-t-elle entendus ?

(suite)

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